samedi 19 mai 2012

Henri D. Thoreau : Marcher

Qu'est-ce donc qui rend parfois si difficile de décider par où nous irons nous promener? Je crois à un magnétisme dans la Nature qui, si nous y cédons sans y penser, nous conduira où il faut. Il ne nous est pas indifférent d'aller par ici ou par là. Il y a le bon chemin; mais par étourderie, bêtise, nous sommes fort sujets à prendre le mauvais. Nous voudrions bien faire cette promenade, que nous n'avons jamais faite encore à travers ce monde réel, qui est le parfait symbole du chemin que nous aimons tant à suivre dans le monde intérieur et idéal; et parfois sans doute, nous est-il malaisé de savoir quelle direction choisir, parce qu'il n'existe pas encore nettement dans notre idée.
Quand je sors de chez moi pour aller me promener, sans savoir encore où je porterai mes pas, et m'en remets à mon instinct de décider pour moi, je m'aperçois, si bizarre, si fantasque cela paraisse-t-il, que je finis inévitablement par m'arrêter au sud-ouest, dans la direction de tel bois ou pré particulier, quelque herbage ou hauteur abandonné, par là situé. Mon aiguille est lente à se fixer, elle varie de quelques degrés et n'indique pas toujours plein sud-ouest, il est vrai -et elle a de bonnes raisons pour varier ainsi - mais elle se pose toujours entre l'ouest et le sud-sud-ouest. C'est par là qu'est l'avenir polir moi, et la terre me semble plus riche de ce côté-là. Le contour qui enfermait mes promenades serait non un cercle, mais une parabole, ou même tel qu'une de ces orbites de comète qui n'ont pas de retour - s'ouvrant vers l'ouest en ce cas - où ma maison occupe la place du soleil. Parfois je fais des tours et des tours pendant un quart d'heure, irrésolu, jusqu'à ce que je décide, polir la millième fois, que je m'enfoncerai dans le sud-ouest ou l'ouest.

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