dimanche 2 mars 2014

La Présence pure (Christian Bobin)

 
Le temps qu’il fait
 
Quelques phrases relevées au « hasard »…

(Le père de C. Bobin est hospitalisé avec la maladie d’Alzheimer. Il le compare avec « son » arbre)

L’arbre est devant la fenêtre du salon. Je l’interroge chaque matin : « Quoi de neuf aujourd’hui ? ». La réponse vient sans tarder, donnée par des centaines de feuilles : « Tout ».

Les feuilles qui dansent, ivres, les bras du vent, n’échangeraient leur place contre rien au monde.
Dépouillé d’une partie de son feuillage, il respire encore et même parfois il vole, porté par les anges pour qui rien n’est sans mouvement secret.

Dieu passe en riant devant la fenêtre du salon, déguisé en petite feuille jaune, tourbillonnante.

D’abord le tronc, puis les branches maîtresses qui cherchent chacune de leur côté, puis les branches secondaires qui naissent des précédentes mais divergent sur un point, émettent un autre avis, enfin les plus hauts rameaux qui raclent la peau du ciel : autant de tâtonnements, d’essais, d’échecs, mille chemins inventés pour aller vers la lumière.
 
Ce n’est pas seulement un arbre devant une fenêtre. C’est un conseiller que j’interroge et qui m’instruit par sa manière d’aller tout en hésitations et ruptures, vers le Très-Pur.

Ce qui est blessé en nous demande asile aux plus petites choses de la terre et le trouve.
 
La neige l’a recouvert, pendant la nuit, de lumière pure, comme une mère relevant un drap sur le corps de son enfant endormi.

Il a eu ce matin une manière éblouissante de m’apparaître : un ange qui viendrait d’atterrir et cacherait en vain ses mains blanches derrière son dos, pour ne pas trahir sa noble origine.
 
Il y a une naissance simultanée de nos yeux et du monde, un sentiment de « première fois » où ce qui regarde et ce qui est regardé se donnent le jour.

…Il connaissait intimement chacune de ses feuilles. A chacune il donnait un nom. Le vent les a jetées sur la terre froide. La neige les a étouffées. Il pense toujours à elles. Il écoute en lui la vibration de leur nom. Le vent et lui ont eu des mots, cette nuit. Une branche a été arrachée au cours d’un entretien particulièrement rude.

Assis pendant des heures dans le couloir de la maison de long séjour, ils attendent la mort et l’heure du repas. Leur vie flotte autour d’eux comme un oiseau au-dessus d’un arbre abattu, cherchant sans le trouver ce qui faisait son nid.
 
Ils aiment toucher les mains qu’on leur tend, les garder longtemps dans leurs mains à eux, et les serrer. Ce langage-là est sans défaut.

Leur lassitude et la proximité de leur mort font d’eux des rois sans courtisans.
 
Le vent désencombre l’arbre d’une partie de sa neige, comme une main époussetant un habit de fête.

La neige blanche a disparu. Sa petite sœur, la neige sale, la remplace. C’est une enfant infirme et pauvre. Son visage est sans lumière et personne ne la regarde comme on regardait son aînée. Elle meurt en très peu de temps du chagrin de n’être pas aimée.
 
 
Quelques gouttes de pluie bavardent en riant à l’extrémité de ses branches, avant de sauter dans le vide.

La petite momie est morte (une amie des Parents de C. Bobin). Elle a dormi deux nuits et deux jours dans une chambre funéraire, puis elle a été mise dans la terre et la grande dame a fait ses premiers pas dans l’invisible, fraîche et reposée.
 
 
Contemplant la salle où les patients reçoivent leurs familles – salle immense et vide ce jour-là – mon père dit comme en rêvant : « je regarde ce qui pour moi n’existe pas ».

Il ne se reconnaît plus sur les photographies. Il n’y reconnaît pas non plus les siens. Quand on les lui nomme, il a les yeux brillants de joie, émerveillé de se découvrir des enfants comme s’ils venaient de naître.
 
Ce qu’il savait du monde et de lui-même est effacé par la maladie, comme par une éponge sur un tableau. Le tableau est grand, il est impossible de l’essuyer en une seule fois, mais de nombreuses phrases ont déjà disparu.

Une branche s’est détachée de l’arbre. Elle n’a pas immédiatement glissé à terre. D’autres branches l’ont retenue et l’ont veillée pendant quelques heures.
 
Le vent, ce matin, lui parle en ami. Ses branches ne bougent qu’à peine à leur extrémité, comme on remue la tête devant une évidence : oui, oui, oui.

Ces gens dont l’âme et la chair sont blessées ont une grandeur que n’auront jamais ceux qui portent leur vie en triomphe.

C’est par les yeux qu’ils disent les choses, et ce que j’y lis m’éclaire mieux que les livres.
Aujourd’hui dans le plus grand ascenseur, celui qui sert à transporter des cercueils, il y avait une odeur de formol. Je l’ai emportée chez moi où elle s’est mélangée à l’odeur des lys sur la table du salon.
 
L’arbre est un livre ouvert. Le vent d’aujourd’hui en tourne les pages comme s’il pensait à autre chose. L’arbre devant la fenêtre prépare le printemps. Il médite dans le froid sur ce qu’il donnera bientôt. Dans quelques semaines il proposera au monde plus de lumière que tous les livres jamais écrits. Cette lumière passera et l’an prochain il en donnera une autre, encore. C’est le nom du travail des vivants tant qu’il leur reste une saison, un jour, une heure : donner, encore.
 
« Oui, oui, je te le dis, quand tu étais jeune tu mettais ta ceinture et tu allais où tu voulais. Mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains et un autre te mettra la ceinture, et il te mènera où tu ne veux pas » (st Jean 21,18).
 
Il est impossible de protéger du malheur ceux qu’on aime : j’aurai mis longtemps pour apprendre une chose aussi simple. Apprendre est toujours amer, toujours à nos dépens. Je ne regrette pas cette amertume.
 
La maladie d’Alzheimer enlève ce que l’éducation a mis dans la personne et fait remonter le cœur en surface.
 
Le bleu a lancé son offensive en début d’après-midi. En moins d’une heure il était partout dans le ciel et les yeux des passants.
 
L’hiver oublie parfois d’être sévère, comme un professeur dans les derniers jours d’école.
 
Moineaux, écureuils et corneilles : l’arbre reçoit un courrier chaque jour plus abondant. L’extrémité de ses branches se courbe au-dessus de la rue, comme s’il prenait plaisir à la conversation des passants. Les premiers bourgeons surgissent, denses, resserrés autour d’une vérité encore trop fragile pour être dite.
 
J’ai rêvé que Dieu avait la maladie d’Alzheimer, qu’il ne se souvenait plus du nom ni du visage de ses enfants, qu’il avait oublié jusqu’à leur existence.
 
Une main invisible a déchiré les bourgeons d’un seul coup, comme on ouvre une lettre dont notre sort dépend. Un flot de lumière verte en est sorti.
 
L’arbre s’entretient avec le vent des choses éternelles et ses jeunes feuilles en frémissent de plaisir. Des oiseaux se posent sur lui comme des notes en bas de pages dans un livre savant.
 
La vérité vient de si loin pour nous atteindre que, lorsqu’elle arrive près de nous, elle est épuisée et n’a presque plus rien à nous dire. Ce presque rien… est un trésor.
 
Si St Thomas met ses doigts sur les plaies du Christ ressuscité c’est moins pour mettre fin à ces doutes que parce qu’il y a des instants où la vie est allée si loin dans la perte et où sa présence est si brûlante qu’il ne reste plus qu’à se taire- et toucher du bout des doigts le corps miraculé de l’autre. Ils le savent à leur façon, les Christ assis sur des fauteuils en face d’un mur, à la maison d’extrême séjour.
 
Quelques paroles de l’arbre : « je ne comprends pas tout ce que me dit la lumière »- « Je ne dors jamais : il vient toujours quelque chose ou quelqu’un »- « le vent a les yeux d’un voyou et les mains d’un ange ».
 
Pour venir à toi j’écarte tous les noms de maladie, d’âge et de métier, comme on écarte un rideau de lamelles colorées en plastique, au seuil des maisons, l’été, jusqu’à te retrouver dans la fraicheur de ce seul nom qui ne ment pas : père.
 
La mort chaque nuit s’assied à leur chevet. Elle les regarde dormir et faire de mauvais rêves. Certains soirs elle murmure le prénom de l’un d’entre eux. Il se lève et la suit sans un mot.
 
Ceux qui ont très peu de jours et ceux qui sont très vieux sont dans un autre monde que le nôtre. En se liant à nous ils nous font un présent inestimable.
 
Les moineaux envahissent l’arbre devant la fenêtre sans lui enlever une paix dont leurs bavardages sont une part substantielle. Et quand trop de sagesse risque de l’engourdir, le vent le chahute comme on passe une main dans les cheveux d’un enfant adoré.
 
L’arbre devant la fenêtre et les gens de la maison de long séjour ont la même présence pure – sans défense aucune devant ce qui leur arrive jour après jour, nuit après nuit.
Les fleurs d’acacias, blanches et grêles, ont l’éclat d’un baiser d’enfant. Quelques fleurs, vendangées par une pluie nocturne, sont tombées sur une table du jardin de la maison de long séjour. Mon père les regarde. Il a dans les yeux une lumière qui ne doit rien à la maladie et qu’il faudrait être un ange pour déchiffrer.

 
 
 

samedi 15 février 2014

La Présence pure (Christian Bobin)

 

Le temps qu’il fait

Quelques phrases relevées au « hasard »…


(Le père de C. Bobin est hospitalisé avec la maladie d’Alzheimer.

Il le compare avec « son » arbre)

L’arbre est devant la fenêtre du salon. Je l’interroge chaque matin : « Quoi de neuf aujourd’hui ? ». La réponse vient sans tarder, donnée par des centaines de feuilles : « Tout ».

Les feuilles qui dansent, ivres, les bras du vent, n’échangeraient leur place contre rien au monde.

Dépouillé d’une partie de son feuillage, il respire encore et même parfois il vole, porté par les anges

pour qui rien n’est sans mouvement secret.

Dieu passe en riant devant la fenêtre du salon, déguisé en petite feuille jaune, tourbillonnante.

D’abord le tronc, puis les branches maîtresses qui cherchent chacune de leur côté, puis les branches secondaires qui naissent des précédentes mais divergent sur un point, émettent un autre avis, enfin les plus hauts rameaux qui raclent la peau du ciel :

autant de tâtonnements, d’essais, d’échecs, mille chemins inventés pour aller vers la lumière.
 
Ce n’est pas seulement un arbre devant une fenêtre. C’est un conseiller que j’interroge et qui m’instruit par sa manière d’aller tout en hésitations et ruptures, vers le Très-Pur.

Ce qui est blessé en nous demande asile aux plus petites choses de la terre et le trouve.
 
La neige l’a recouvert, pendant la nuit, de lumière pure, comme une mère relevant un drap sur le corps de son enfant endormi.

Il a eu ce matin une manière éblouissante de m’apparaître : un ange qui viendrait d’atterrir et cacherait en vain ses mains blanches derrière son dos, pour ne pas trahir sa noble origine.
 
Il y a une naissance simultanée de nos yeux et du monde, un sentiment de « première fois » où ce qui regarde

et ce qui est regardé se donnent le jour.

…Il connaissait intimement chacune de ses feuilles. A chacune il donnait un nom. Le vent les a jetées sur la terre froide. La neige les a étouffées. Il pense toujours à elles. Il écoute en lui la vibration de leur nom. Le vent et lui ont eu des mots, cette nuit. Une branche a été arrachée au cours d’un entretien particulièrement rude.

Assis pendant des heures dans le couloir de la maison de long séjour, ils attendent la mort et l’heure du repas. Leur vie flotte autour d’eux comme un oiseau au-dessus d’un arbre abattu, cherchant sans le trouver ce qui faisait son nid.

Ils aiment toucher les mains qu’on leur tend, les garder longtemps dans leurs mains à eux, et les serrer. Ce langage-là est sans défaut.

Leur lassitude et la proximité de leur mort font d’eux

des rois sans courtisans.
 
Le vent désencombre l’arbre d’une partie de sa neige,

comme une main époussetant un habit de fête.

La neige blanche a disparu. Sa petite sœur, la neige sale, la remplace. C’est une enfant infirme et pauvre. Son visage est sans lumière et personne ne la regarde comme on regardait son aînée. Elle meurt en très peu de temps du chagrin de n’être pas aimée.
 
Quelques gouttes de pluie bavardent en riant à l’extrémité de ses branches, avant de sauter dans le vide.

La petite momie est morte (une amie des Parents de C. Bobin). Elle a dormi deux nuits et deux jours dans une chambre funéraire, puis elle a été mise dans la terre et la grande dame a fait ses premiers pas dans l’invisible, fraîche et reposée.

 
Contemplant la salle où les patients reçoivent leurs familles – salle immense et vide ce jour-là – mon père dit comme en rêvant :

« je regarde ce qui pour moi n’existe pas ».

Il ne se reconnaît plus sur les photographies. Il n’y reconnaît pas non plus les siens. Quand on les lui nomme, il a les yeux brillants de joie, émerveillé de se découvrir des enfants

comme s’ils venaient de naître.
 

Ce qu’il savait du monde et de lui-même est effacé par la maladie, comme par une éponge sur un tableau. Le tableau est grand, il est impossible de l’essuyer en une seule fois,

mais de nombreuses phrases ont déjà disparu.

Une branche s’est détachée de l’arbre. Elle n’a pas immédiatement glissé à terre. D’autres branches l’ont retenue et l’ont veillée pendant quelques heures.
 
Le vent, ce matin, lui parle en ami. Ses branches ne bougent qu’à peine à leur extrémité, comme on remue la tête devant

une évidence : oui, oui, oui. 

Ces gens dont l’âme et la chair sont blessées ont une grandeur que n’auront jamais ceux qui portent leur vie en triomphe.

C’est par les yeux qu’ils disent les choses, et ce que j’y lis m’éclaire mieux que les livres.

Aujourd’hui dans le plus grand ascenseur, celui qui sert à transporter des cercueils, il y avait une odeur de formol. Je l’ai emportée chez moi où elle s’est mélangée

à l’odeur des lys sur la table du salon.

L’arbre est un livre ouvert. Le vent d’aujourd’hui en tourne les pages comme s’il pensait à autre chose. L’arbre devant la fenêtre prépare le printemps. Il médite dans le froid sur ce qu’il donnera bientôt. Dans quelques semaines il proposera au monde plus de lumière que tous les livres jamais écrits. Cette lumière passera et l’an prochain il en donnera une autre, encore.

C’est le nom du travail des vivants tant qu’il leur reste
 une saison, un jour, une heure : donner, encore.

« Oui, oui, je te le dis, quand tu étais jeune tu mettais ta ceinture et tu allais où tu voulais. Mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains et un autre te mettra la ceinture, 

et il te mènera où tu ne veux pas » (st Jean 21,18).

Il est impossible de protéger du malheur ceux qu’on aime : j’aurai mis longtemps pour apprendre une chose aussi simple. Apprendre est toujours amer, toujours à nos dépens.

Je ne regrette pas cette amertume.

La maladie d’Alzheimer enlève ce que l’éducation a mis

dans la personne et fait remonter le cœur en surface.

Le bleu a lancé son offensive en début d’après-midi. En moins d’une heure il était partout dans le ciel et les yeux des passants.

L’hiver oublie parfois d’être sévère, comme un professeur

dans les derniers jours d’école.

Moineaux, écureuils et corneilles : l’arbre reçoit un courrier chaque jour plus abondant. L’extrémité de ses branches se courbe au-dessus de la rue, comme s’il prenait plaisir à la conversation des passants. Les premiers bourgeons surgissent, denses, resserrés autour d’une vérité encore trop fragile pour être dite.

J’ai rêvé que Dieu avait la maladie d’Alzheimer, qu’il ne se souvenait plus du nom ni du visage de ses enfants,

qu’il avait oublié jusqu’à leur existence.

Une main invisible a déchiré les bourgeons d’un seul coup, comme on ouvre une lettre dont notre sort dépend.

Un flot de lumière verte en est sorti.

L’arbre s’entretient avec le vent des choses éternelles et ses jeunes feuilles en frémissent de plaisir. Des oiseaux se posent sur lui comme des notes en bas de pages dans un livre savant.

La vérité vient de si loin pour nous atteindre que, lorsqu’elle arrive près de nous, elle est épuisée et n’a presque plus rien à nous dire. Ce presque rien… est un trésor.

Si St Thomas met ses doigts sur les plaies du Christ ressuscité c’est moins pour mettre fin à ces doutes que parce qu’il y a des instants où la vie est allée si loin dans la perte et où sa présence est si brûlante qu’il ne reste plus qu’à se taire- et toucher du bout des doigts le corps miraculé de l’autre. Ils le savent à leur façon, les Christ assis sur des fauteuils en face d’un mur,

à la maison d’extrême séjour.

Quelques paroles de l’arbre : « je ne comprends pas tout ce que me dit la lumière »- « Je ne dors jamais : il vient toujours quelque chose ou quelqu’un »-

« le vent a les yeux d’un voyou et les mains d’un ange ».

Pour venir à toi j’écarte tous les noms de maladie, d’âge et de métier, comme on écarte un rideau de lamelles colorées en plastique, au seuil des maisons, l’été, jusqu’à te retrouver dans la fraicheur de ce seul nom qui ne ment pas : père.

La mort chaque nuit s’assied à leur chevet. Elle les regarde dormir et faire de mauvais rêves. Certains soirs elle murmure le prénom de l’un d’entre eux. Il se lève et la suit sans un mot.

Ceux qui ont très peu de jours et ceux qui sont très vieux sont dans un autre monde que le nôtre. En se liant à nous

ils nous font un présent inestimable.

Les moineaux envahissent l’arbre devant la fenêtre sans lui enlever une paix dont leurs bavardages sont une part substantielle. Et quand trop de sagesse risque de l’engourdir, le vent le chahute comme on passe une main dans les cheveux d’un enfant adoré.

L’arbre devant la fenêtre et les gens de la maison de long séjour ont la même présence pure – sans défense aucune devant ce qui leur arrive jour après jour, nuit après nuit.

Les fleurs d’acacias, blanches et grêles, ont l’éclat d’un baiser d’enfant. Quelques fleurs, vendangées par une pluie nocturne, sont tombées sur une table du jardin de la maison de long séjour. Mon père les regarde. Il a dans les yeux une lumière qui ne doit rien à la maladie et qu’il faudrait être un ange pour déchiffrer.

Nelson Mandela vu par Obama

MESSAGE DU PRESIDENT AMERICAIN OBAMA

LORS DES OBSEQUES DE NELSON MANDELA

A Johannesburg, Afrique du Sud

(Traduction en Français par Google Translator- Puis revu et corrigé)

 
 
Je vous remercie (Applaudissements) Je vous remercie beaucoup. Merci.

Pour Graça MACHEL et la Famille MANDELA, pour le Président ZUMA et des membres du gouvernement ; pour les chefs d’Etat et de gouvernement passés et présents, distingués invités… C’est un grand honneur d’être avec vous aujourd’hui pour célébrer une vie pas comme les autres. Pour le peuple d’Afrique du Sud… pour les gens de toutes races en marche dans la vie… le monde vous remercie de partager Nelson MANDELA avec nous tous. Son combat était votre lutte. Son triomphe a été votre triomphe. Votre dignité et votre espoir ont été exprimés dans Sa Vie, et votre liberté, votre démocratie est Son héritage chéri.

Il est difficile de faire l’éloge d’un homme, trouver les mots vrais sans en extraire juste les faits et les dates qui retracent sa vie, et faire jaillir la vérité essentielle de la personne, ses joies, ses peines, ses moments de calme et de qualités uniques qui illuminent l’âme de quelqu’un. Cela est encore plus difficile à faire pour un géant de l’histoire qui a élevé une nation vers la justice, dans ce processus émouvant pour des milliards de personnes éparpillées dans le monde.

Né pendant la Première Guerre mondiale, loin des couloirs du pouvoir, un garçon a grandi en élevant du bétail a travers le tutorat des anciens de la tribu THEMBU. MADIBA a su ainsi émerger en tant que dernier grand libérateur du siècle. Comme GANDHI il entraîna un mouvement de résistance, qui à ses débuts avait bien peu de chances de succès. Comme le Dr KING, il donna la puissance de sa voix au profit des revendications des opprimés et pour la nécessité morale de la justice raciale. Il a enduré son emprisonnement commencé à l’époque de KENNEDY et de KHROUTCHEV qui se termina lors des derniers jours de la guerre froide. Sortant de prison sans la force des armes, comme ABRAHAM LINCOLN, il a rassemblé son pays alors qu’il menaçait d’éclater. Et comme les pères fondateurs de l’Amérique, il put vite créer un ordre constitutionnel pour préserver la liberté des générations futures, et s’engager vers la démocratie et la primauté du droit ratifié non seulement par son élection mais par sa volonté de se retirer du pouvoir après un seul mandat.

Compte tenu de l’envergure de sa vie, la portée de ses réalisations, l’adoration qu’il a si bien mérité, il est tentant de le placer, me semble-t-il, comme une « icône » et de le voir souriant et serein, détaché des affaires sordides et de la bassesse des hommes. MADIBA a fortement résisté devant un tel portrait pour lui-même… Au contraire MADIBA a insisté sur le partage de ses doutes, ses peurs, ses erreurs de calcul, autant que de ses victoires ! « Je ne suis pas un saint,» a- t-il toujours dit, « à moins que vous preniez un saint pour un pécheur qui continue d’essayer ».

 
C’est précisément parce qu’il ne pouvait admettre l’imperfection qu’il pouvait être plein d’humour constructif même avec des gros problèmes à résoudre et malgré les lourdes charges qu’il portait, que nous l’aimions autant ! Ce n’était pas un buste de marbre, mais un homme de chair et de sang, un fils, un mari, un père, un ami. Et c’est pourquoi nous avons tellement appris de lui, et c’est pourquoi nous pouvons encore apprendre à travers lui ; de ce qu’il a accompli, rien n’était inévitable. Tout au long de sa vie, nous voyons un homme qui a gagné sa place dans l’Histoire, par la lutte et l’intelligence, la persistance et la foi. Il nous indique ce qui est possible, pas seulement dans les pages des livres d’histoire mais dans nos propres vies.

MANDELA, nous a montré le pouvoir de l’action et comment prendre des risques au nom de nos idéaux. Peut-être avait-il raison de dire qu’il a hérité «d’une rébellion fière, d’un sentiment tenace d’équité» de son père. Et nous savons qu’il a partagé avec des millions de Sud-Africains, noirs ou colorés, la colère née de « mille affronts, mille indignités, mille moments de souvenirs enfouis… et un désir de combattre le système qui emprisonnait mon peuple », a- t-il dit.

Mais comme d’autres géants du début de l’ANC, les SISULU et les TAMBOS, MADIBA a su discipliner sa colère et canaliser son désir de se battre pour l’organisation, les pourparlers et les stratégies d’action, de sorte que les hommes et les femmes pouvaient se relever « tête haute » dans la dignité divine. En outre, il a accepté les conséquences de ses actes, sachant que combattre contre les puissances d’intérêts et l’injustice aurait un prix à payer. « J’ai combattu contre la domination blanche et j’ai combattu contre la domination noire ». J’ai chéri l’idéal d’une société libre et démocratique dans laquelle toutes les personnes vivent ensemble dans l’harmonie et avec l’égalité des chances. C’est un idéal que j’espère vivre et réaliser. Mais s’il le faut, c’est aussi un idéal pour lequel je suis prêt à mourir ».

MANDELA nous a enseigné la puissance de l’action ; il nous a aussi appris le pouvoir des idées ; l’importance de la raison et des arguments ; la nécessité d’échanger non seulement avec vos « amis » mais aussi nos « ennemis ». Il avait compris que les idées ne peuvent pas être contenues par des murs de prison ou éteintes par la balle d’un tireur d’élite. Il a retourné son procès en une plaidoirie pour l’apartheid, grâce à son éloquence, sa passion, mais aussi sa formation d’avocat, et il a pu utiliser avec à-propos les leçons des décennies d’emprisonnement, en affûtant ses arguments. Mais aussi il a su répandre sa soif de connaissances à d’autres dans le mouvement en route. Il a appris la langue et les coutumes de son oppresseur afin de mieux les convaincre que leur liberté dépend de la sienne.

MANDELA a démontré que l’action et les idées ne sont pas des arguments suffisants. Peu importe comment ils ont été ciselés dans le droit et les institutions. Il était pratique, testant ses convictions contre la dure réalité des circonstances et de l’histoire. Sur les principes de base il était inflexible, c’est pourquoi il pouvait repousser les offres de libération inconditionnelle, rappelant le régime de l’apartheid où « les détenus ne pouvaient pas conclure de contrat ».

Mais comme il l’a démontré dans de laborieuses négociations, pour le transfert de puissance ou la rédaction de nouvelles lois, il n’avait pas peur de faire des compromis pour le bien d’un objectif plus vaste. Et parce qu’il n’était pas seulement le leader d’un mouvement, mais un politicien habile, la Constitution qui a émergée fut digne de cette démocratie multiraciale, fidèle à sa vision de lois qui protègent les minorités ainsi que les droits de la majorité, et des libertés précieuses de toute l’Afrique du Sud.

MANDELA comprit les liens qui unissent l’esprit humain. Il y a un mot en Afrique du Sud, « Ubuntu » (applaudissements) ; ce mot concrétise le plus grand cadeau de MANDELA : sa reconnaissance au fait que nous sommes tous liés ensembles de façon invisible à l’œil nu ; qu’il y a une unité à l’humanité  que nous réalisons en partager avec d’autres, et en prenant soin de ceux qui nous entourent.

Nous ne saurons jamais combien ce sentiment était doit inné, soit façonné dans sa cellule sombre et solitaire. Mais souvenons-nous de ces gestes petits ou grands : La présence de ses geôliers invités d’honneur lors de son investiture, ou lorsqu’il revêtit l’uniforme des Springboks, ou encore en transformant en énergie constructrice le chagrin de sa famille pour lutter contre le virus VIH du Sida. Tous ces actes ont révélés la profondeur de son empathie et de sa compréhension. Il n’a pas seulement incarné «Ubuntu » il a enseigné à des millions de personnes comment trouver la vérité en eux-mêmes.

Il a fallu un homme comme MADIBA pour libérer non seulement le « prisonnier », mais aussi le « geôlier » –applaudissements- pour montrer que nous devons faire confiance aux autres pour qu’ils puissent à leur tour nous faire confiance ; pour enseigner que dans la réconciliation il n’est pas question d’ignorer le passé cruel, mais qu’il faut faire face avec charité et vérité. Il a changé les lois, mais il a aussi changé les cœurs.

Pour les habitants de l’Afrique du Sud, pour ceux qu’il a inspirés à travers le monde, la mort de MADIBA est à juste titre un moment de deuil, et un temps pour célébrer une vie héroïque. Mais je crois qu’il devrait aussi provoquer un temps de réflexion, d’introspection, pour chacun de nous. Avec honnêteté, indépendamment de situation ou des circonstances, nous devrions nous demander : Comment avons- nous appliqué correctement ces leçons dans nos propres vies ? C’est une question que je me pose en tant qu’homme et en tant que président.

Nous savons que, comme l’Afrique du Sud, les Etats Unis ont dus surmonter des siècles de domination raciale. Comme c’était le cas ici, il a fallu le sacrifice –le sacrifice d’innombrables personnes, connues et inconnues- pour voir l’aube d’un nouveau jour. Michèle et moi sommes les bénéficiaires de cette lutte- Applaudissements- Mais en Amérique et en Afrique du Sud, et dans tous les pays de la terre, nous ne pouvons pas laisser s’envoler nos avancées sous prétexte que notre travail n’est pas encore terminé.

Les luttes qui suivent la victoire pour l’égalité et le suffrage universel peuvent ne pas être aussi soutenues que celles des pionniers, avec autant de force et de clarté morale, mais elles n’en sont pas moins importantes. Hélas, aujourd’hui dans le monde nous voyons encore des enfants souffrant de la faim et de la maladie. Nous voyons encore des écoles vétustes. Nous voyons aussi des jeunes sans perspectives d’avenir. Partout dans le monde d’aujourd’hui, des hommes et des femmes sont toujours emprisonnés pour leurs convictions politiques, et sont encore persécutés pour leur paraître, leur façon de prier et qui ils aiment. C’est ce qui arrive de nos jours.

Nous aussi nous devons agir au nom de la justice. Nous aussi nous devons agir au nom de la paix. Il y a trop de gens qui embrassent volontiers l’héritage de MADIBA pour la réconciliation raciale mais qui résistent passionnément aux réformes même modestes qui remettraient en cause la pauvreté chronique et les inégalités croissantes. Il y a trop de dirigeants qui se prétendent solidaire de la lutte pour la liberté de MADIBA, mais ne tolèrent pas la dissidence de leurs concitoyens –Applaudissements- Il y a un trop grand nombre d’entre nous sur le banc de touche, à l’aise dans la complaisance ou le cynisme quand nos voix doivent être entendues.

Voici des questions que nous nous posons toujours aujourd’hui : comment promouvoir l’égalité et la justice, comment défendre la liberté et les droits humains, comment mettre fin à un conflit ou une guerre sectaire ? … Ces choses n’ont pas de réponses faciles… Mais il n’y avait pas de réponse facile en face de cet enfant né pendant la Première Guerre mondiale. Nelson MANDELA nous rappelle que les choses sont toujours impossibles jusqu’à ce qu’elles se concrétisent. L’Afrique du Sud nous prouve que c’est possible. L’Afrique du Sud nous prouve que nous pouvons changer et que nous pouvons choisir un monde défini non pas par nos différences mais par nos espoirs communs. Nous pouvons choisir un monde défini non par des conflits, mais par la paix, la justice et au moment opportun.

Nous ne verrons plus jamais les désirs de Nelson MANDELA. Mais permettez-moi de dire aux jeunes d’Afrique et aux jeunes à travers le monde : « vous aussi vous pouvez faire de l’œuvre de sa vie, votre propre œuvre de vie. Il y a plus de 30 ans, j’étais encore étudiant lorsque j’appris les luttes de Nelson MANDELA qui se déroulèrent dans cette belle terre, cela m’a profondément ému. Il a réveillé chez moi les responsabilités que j’avais vis-à-vis des autres et de moi-même, cela m’a amené vers un voyage improbable, celui d’être ici aujourd’hui. Et tandis que je vais toujours en deçà de l’exemple de MADIBA, il me donne envie d’être un homme meilleur, me parlant du meilleur à l’intérieur de moi.

Maintenant ce grand libérateur est en paix. Quand nous serons revenus dans nos villes et villages respectifs et auront rejoint nos routines quotidiennes, cherchons sa force, recherchons cette même grandeur d’esprit, quelque part à l’intérieur de nous-mêmes. Et quand la nuit s’assombrit, quand l’injustice pèse lourd en nos cœurs, quand nos meilleurs plans semblent hors de notre portée, pensons à MADIBA et à ses mots qui l’ont amené au réconfort entre les quatre murs de sa cellule : « il importe peu combien la porte est étroite, il importe peu le défilé des punitions, je suis le maître de mon destin, je suis le capitaine de mon âme ».


Quelle magnifique âme il était. Il nous manquera profondément.

Que Dieu bénisse la mémoire de Nelson MANDELA !

Que Dieu bénisse le peuple d’Afrique du Sud !