jeudi 9 février 2012

« SERVIR EST UNE RELIGION » Gandhi, Autobiographie

Si je me suis trouvé entièrement absorbé par le service de la communauté, la raison profonde en a été mon désir d'accomplissement de l'être. Servir est une religion ; et j'avais embrassé cette foi, dans le sentiment que ce n'était qu'en servant que l'on pouvait atteindre à Dieu. Et servir, pour moi, c'était servir l’Inde, parce que la chose, dans mon cas, allait de soi, parce que j'y étais natu­reIlement porté.
[…]
L'homme et ses actes sont deux choses distinctes. Alors qu'une bonne action doit  appeler l'approbation, et une mauvaise, la réprobation, le fauteur de l'acte, qu'il
it bon ou mauvais, mérite toujours respect ou pitié, selon le cas. « Hais le péché, on le pécheur » ‑ c'est là un précepte que l'on applique rarement, s'il est aisé comprendre; et c'est pourquoi le venin de haine se répand si vite dans le monde.
[…]
L’Ahimsâ est le fondement de la quête de vérité. Il n'est pas de jour où je ne aperçoive, en réalité, que cette quête est vaine, si elle ne se fonde pas sur L’Ahimsâ. S'opposer à un système, l'attaquer, c'est bien; mais s'opposer à son auteur, et l'attaquer, cela revient à s'opposer à soi‑même, à devenir son propre aillant. Car la même brosse nous a peints ; nous avons pour père le même unique Créateur, et de ce fait les facultés divines que nous recélons en nous t infinies. Manquer à un seul être humain, c'est manquer à ces facultés divines, et par là même faire tort non seulement à cet être, mais, avec lui, au monde entier.
[…]
L’uniformité de mon expérience m'a convaincu qu'il n'est d'autre Dieu que la vérité.
[…]
Mais il est une chose que je puis affirmer avec assurance, en tout cas, comme étant le fruit de toutes mes expériences: c'est que l'on ne peut avoir une vision parfaite de la Vérité qu'après avoir entièrement atteint, au préalable, à l'Ahimsâ.
[…]
Pour voir face à face, dans son universalité et son imprégnation de toutes choses, l'Esprit de Vérité, il faut être en mesure d'aimer comme soi‑même la plus chétive des créatures. Et qui aspire à cela, ne peut se permettre de s'exclure aucun domaine où se manifeste la vie. C'est pourquoi mon dévouement à la Vérité m'a entraîné dans le champ de la politique ; et je puis dire sans la moindre hésitation, mais aussi en toute humilité, que ceux‑là n'entendent religion, qui prétendent que la religion n'a rien de commun avec la politique.
[…]
On ne saurait s'identifier avec tout ce qui vit sans pratiquer la purification soi; sans cette dernière, l'observance de la loi d'Ahimsâ ne sera jamais que rêve vide de sens; qui n'a le coeur pur, n'atteindra jamais à Dieu. Il s’ensuit que purification de soi signifie purification à tous les stades, dans tous les domaines de la vie. Rien n'est plus contagieux que la purification; la purification de soi conduit donc nécessairement à la purification de ce qui est autour de soi.
[…]
Mais le chemin de la purification de soi est âpre et raide. Pour atteindre à la pureté parfaite, il faut libérer de toute passion la pensée, la parole et l’acte, surplomber les courants contraires de la haine et de l'amour, de la répulsion et de l'attachement. Je sais que je suis encore loin de posséder cette triple pureté, en dépit des combats que je livre sans trêve pour y arriver. Voilà pourquoi le monde peut bien me louer : je ne saurais m'en émouvoir; en fait, la louange m'est souvent une piqûre cuisante. La conquête des passions subtiles me paraît entreprise infiniment plus dure que la conquête physique du monde par la force des armes. Depuis mon retour aux Indes, pas un instant je n’ai cessé de vérifier la persistance, au tréfonds de moi‑même, des passions dormantes et latentes. La conscience que j'en ai, m'a pénétré d'un sentiment d'humiliation, mais non de défaite. L'expérience, les expériences, m'ont soutenu et donné de grandes joies. Mais je sais qu'il me faudra passer encore par un chemin ardu qui s'étend devant moi. Il me faudra me réduire à néant. Tant que l'homme ne se place pas, de son plein gré, au dernier rang de ses frères humains, il n'est pas de salut pour lui. L'Ahimsà, c'est l'extrême confin de l'humilité. […]

De la graine au fruit, ou la loi de cause à effet

Quand nous lançons un caillou en l'air, nous ne devons pas nous étonner qu'il nous retombe sur la tête. De même, lorsqu'on a commis un acte, quel qu'il soit, on ne peut que s'attendre à ce que, tôt ou tard, il produise un effet. Si l'on souhaite s'affranchir de la souffrance, il est donc logique qu'il faille accomplir certains actes, et en éviter d'autres. La loi de causalité des actes est le fondement même des enseignements du Bouddha, lui qui déclara:

Éviter le moindre acte nuisible,
Accomplir parfaitement le bien
Et maîtriser son esprit :
Voilà l'enseignement du Bouddha.

Tous les phénomènes résultent du concours d'une infinité de causes et de conditions en perpétuel changement. Comme l'arc‑en‑ciel qui surgit quand le soleil brille sur un rideau de pluie et s'évanouit dès lors que disparaît l'un des facteurs contribuant à sa formation, les phénomènes ne surviennent que par interdépendance et sont donc dénués d'existence autonome et permanente.
Si les phénomènes se conditionnent mutuellement en un vaste processus dynamique et créateur, rien ne surgit, en revanche, de façon arbitraire, et la loi de causalité opère inéluctablement.
Le karma, qui désigne à la fois les actes et leurs effets, est un aspect particulier de cette loi de causalité. C'est lui qui détermine notre lot de bonheurs et de souffrances. Autrement dit, nous subissons les conséquences de nos comportements passés, de même que nous sommes les architectes de nos vies futures.
Dans cette optique, notre destinée ne dépend donc pas d'une puissance extérieure, une volonté divine par exemple. Elle est le fruit de nos actes. On ne récolte que ce que l'on a semé, et rien ni personne ne contraint un individu à renaître de telle ou telle façon, si ce n'est le pouvoir de ses actes.
Par « actes » on n'entend pas seulement les comportements physiques, mais également les paroles et les pensées qui, elles aussi, peuvent être bénéfiques, neutres ou nuisibles. Bien et mal ne sont pas des valeurs absolues. Une conduite est considérée comme « bonne » ou « mauvaise » en fonction de l'intention, altruiste ou malveillante, qui la sous‑tend, ainsi que de ses conséquences : le bonheur ou le malheur pour soi et pour autrui. À chaque instant de notre vie, nous récoltons les conséquences de notre passé et façonnons notre futur par des pensées, des paroles et des actes nouveaux. Ces derniers sont comme des graines qui, une fois semées, produisent le fruit bénéfique ou nuisible qui leur correspond.
Vues sous cet angle, les souffrances dont nous ne sommes apparemment pas responsables ‑ le mal que nous font les autres, les maladies ou les désastres naturels ‑ ne sont dues ni à une volonté divine ni à une fatalité inéluctable, pas davantage qu'à un pur hasard. Ce sont comme des flèches que nous aurions tirées un jour en l'air, puis oubliées, et qui reviendraient sur nous. Cette vision des choses peut paraître déconcertante à un Occidental, surtout si on l'applique à un être innocent qui souffre, ou à un homme foncièrement bon dont la vie n'est qu'une perpétuelle tragédie. Il faut comprendre que, selon le bouddhisme, chaque être est le résultat d'un ensemble complexe de causes et de conditions, de bonnes et de mauvaises graines semées dans le passé, et c'est cette combinaison facteurs multiples qui se manifeste, graduellement et chacune en son temps, au cours de nos vies. Le fait d'en prendre conscience permet d'adopter une attitude plus responsable. Elle nous évite, par exemple, de blâmer les autres pour ce qui nous arrive de déplaisant.
Ne pas se révolter contre ce qui nous échoit par la nature des choses ne signifie pas être fataliste. Nous avons toujours la possibilité de tirer le meilleur parti d'une situation défavorable, quelle qu'elle soit. À nous de décider ce que nous devons faire ou ne pas faire pour construire notre bonheur futur et ne plus engendrer des causes de souffrance.
Comprenant que les actes nuisibles conduisent à tous les maux qui nous affligent ‑ nous‑mêmes et autrui ‑, et que les actes bénéfiques engendrent le bonheur, libre à nous d'agir avec discernement. Comme on dit: « Tant que l'on garde sa main dans le feu, il est vain d'espérer échapper à la brûlure. » Pour conclure, nous ne récoltons ni « récompense » ni « punition » : ce qui nous arrive obéit simplement à la loi de causalité.

Chemins spirituels, Matthieu Ricard

La maïeutique de Socrate

"Or, à mon métier à moi de faire des accouchements, appartiennent toutes les autres choses qui appartiennent aux accoucheuses, mais il en diffère Par le fait d'accoucher des hommes, et non des femmes, et par le fait de veiller sur leurs âmes en train d'enfanter, mais non sur leurs corps [ ... ].
J'ai au moins cet attribut, qui est propre aux accoucheuses : je suis impropre à enfanter un savoir, et ce que beaucoup m'ont déjà reproché, se référant au fait que je questionne les autres, mais que moi‑même je ne réponds rien sur rien parce qu'il n'y a en moi rien de savant, est tout à fait juste. Et la cause de ce fait, la voici : procéder aux accouchements, le dieu m'y force, mais il me retient d'engendrer.
Le fait est donc que je ne suis moi‑même absolument pas quelqu'un de savant, pas plus qu'il ne m'est survenu, née de mon âme, de découverte qui réponde à ce qualificatif; quant à ceux qui se font mes partenaires, au début, bien sûr, quelques uns paraissent même tout à fait inintelligents, mais tous, quand nos rapports se prolongent, ceux‑là auxquels il arrive que le dieu le permette, c'est étonnant tout le fruit qu'ils donnent : telle est l'impression qu'ils font, à eux‑mêmes, et aux autres. Et ceci est clair : ils n'ont jamais rien appris qui vienne de moi, mais c'est bien par eux­mêmes, et de leur propre fonds, qu'ils ont tiré une foule de belles choses, qu'ils possèdent désormais véritablement."

 Platon, Théétète, 150b‑d trad. M. Narcy modifiée, GF‑Flammarion.


La plus grande richesse des hommes leur est souvent inconnue. Ils l'ont en eux‑mêmes, ressource muette du possible. Ainsi de l'enfant que l'école instruit parce qu'elle le crédite du meilleur. Générosité de principe, qui fait du petit homme le dépositaire virtuel de toute la culture humaine. De l'élève qui remonte ainsi aux principes des choses, on dirait plus justement qu'il s'instruit lui ­même, grâce au maître qui lui montre les signes, qui lui enseigne le savoir afin qu'il le reconnaisse. On n'apprend jamais rien que de soi : s'il faut comprendre, et pas seulement mémoriser, la présence à soi de la conscience est décisive. Nul ne peut faire à ma place ce qui appelle mon implication personnelle. Le sentiment de découvrir ce qu'on avait toujours su sans y prendre garde exprime bien cette exigence de la véritable instruction. Comprendre un principe, une relation, un théorème, une cause, C'est d'une certaine façon se révéler à soi‑même une vérité que l'on ne pouvait remarquer tant qu'on ne lui prêtait pas attention. Il S'agit là d'une sorte de réminiscence, de reconnaissance intérieure. La pire amnésie serait l'oubli de soi comme source du savoir.
La langue espagnole dit d'une femme qui accouche qu'elle fait advenir à la lumière du jour (« dar a luz »). La maïeutique, art d'accouchement, a trait d'abord, et avant tout, à la naissance d'un être humain. Elle peut valoir symbole pour l'idée que l'humanité existe d'abord en puissance. La révéler à elle même, ce n'est donc pas la créer de toutes pièces, mais lui permettre de prendre conscience de ce qu'elle est. Socrate met en oeuvre cette démarche, qui fait de lui un accoucheur, afin que tout esprit découvre, en quelque sorte, qu'il est son propre maître, et qu'il dispose en lui des ressources pour comprendre, pour savoir, pour juger. Cette belle leçon de liberté reconduit chaque homme à la source vive de la pensée, comme à la décision d'en user. Elle est une invitation expresse à l'autonomie.
Une démonstration exemplaire en est proposée par Platon. Dans le dialogue intitulé Ménon, Socrate fait découvrir à un jeune esclave ‑ dont la situation sociale n'est donc pas la plus favorable qui soit ‑ la solution du problème de la duplication du carré. Certes, la conduite proprement magistrale de la recherche dialoguée est pour beaucoup dans cette découverte. Mais au moment où le jeune homme « découvre » la solution (adopter la diagonale comme côté du nouveau carré), tout se passe comme s'il ne l'apprenait que de lui‑même: le moment de J'appropriation du savoir ne consiste pas à ingurgiter une donnée extérieure, comme on consommerait un aliment ' mais à faire oeuvre personnelle d'intellection, selon une démarche intérieure qui fait advenir la connaissance.
Leibniz, plus tard, commentera ce moment célèbre dans le Discours de métaphysique. La leçon est la même : si pour apprendre il faut comprendre, c'est de soi que vient la vraie lumière. Ce qui veut dire que tous les savoirs, toutes les idées, sont virtuellement en nous, et qu'il suffit de s'en aviser. Mais cette remémoration d'un nouveau genre va de pair avec une cette remémoration d'un nouveau genre va de pair avec une intense activité  de l'intelligence, développée en première personne. Ce n'est donc pas tant la solution qui préexiste, toute faite, comme un trésor caché au fond de l'âme, que la possibilité de la découvrir, de l'inventer, par la mise en oeuvre méthodique du pouvoir de réflexion. L'évidence rationnelle survient pour qui s'attache à restituer l'esprit à sa puissance intérieure de dévoilement, après l'avoir débarrassé des captations qui le détournent de lui‑même. « Inspectio mentis », inspection de l'esprit par lui‑même, dira Descartes pour décrire ce mouvement.
L'esprit humain héberge donc les vérités avant même de s’en rendre compte. Lorsqu'il travaille, réfléchit, s'élève au  concept, il ne fait que déployer par sa puissance de coin
prendre les vérités formulées en lois relations, constantes. La forme savante et la complexité apparente de ces vérités peuvent jeter un doute sur l'idée qu'on les tire de son propre fonds. Mais ce doute relève d'une confusion entre la démarche (lui conduit au vrai et les résultats auxquels elle aboutit. C'est cette démarche, inconcevable sans un travail exigeant, qui est rendue possible par la puissance de la pensée cultivée avec soin. Ainsi l'accoucheur Socrate élève‑t‑il l'humanité au meilleur d'elle‑même.

Le roman du monde, Henri Pena-Ruiz

lundi 6 février 2012

Prière du dimanche matin, Etty Hillesum

Prière du dimanche matin (12 juillet 1942). Ce sont des temps d'effroi, mon Dieu. Cette nuit pour la première fois je suis resté éveillée dans le noir, les yeux brûlants, des images de souffrance humaine défilant sans arrêt devant moi. Je vais te promettre une chose mon, Dieu, oh, une broutille: je me garderai de suspendre au jour présent, comme autant de poids, les angoisses que m'inspire l'avenir; mais cela demande un certain entraînement. Pour l'instant, à chaque jour suffit sa peine.

Je vais t'aider, mon Dieu, à ne pas t'éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d'avance. Une chose cependant m'apparaît de plus en plus claire: ce n'est pas toi qui peut nous aider, mais nous qui pouvons t'aider - et ce faisant nous nous aidons nous-mêmes. C'est tout ce qu'il nous est possible de sauver en cette époque et c'est aussi la seule chose qui compte: un peu de toi en nous, mon Dieu. Peut-être pourrons-nous aussi contribuer à te mettre au jour dans les coeurs martyrisés des autres. Oui, mon Dieu, tu sembles assez peu capable de modifier une situation finalement indissociable de cette vie. Je ne t'en demande pas compte, c'est à toi au contraire de nous appeler à rendre des comptes, un jour.

Il m'apparaît de plus en plus clairement à chaque pulsation de mon coeur que tu ne peux pas nous aider, mais que c'est à nous de t'aider et de défendre jusqu'au bout la demeure qui t'abrite en nous. Il y a des gens - le croirait-on ? - qui au dernier moment tâche de mettre en lieu sûr des aspirateurs, des fourchettes et des cuillers en argent, au lieu de te protéger toi, mon Dieu. Et il y a des gens qui cherchent à protéger leur propre corps, qui pourtant n'est plus que le réceptacle de mille angoisses et de mille haines. Ils disent : Moi je ne tomberai pas sous leurs griffes! Ils oublient qu'on est jamais sous les griffes de personne tant qu'on est dans tes bras.

Cette conversation avec toi, mon Dieu, commence à me redonner un peu de calme. J'en aurai beaucoup d'autres avec toi dans un avenir proche, t'empêchant ainsi de me fuir. Tu connaîtras sûrement des moments de disette en moi, mon Dieu, où ma confiance ne te nourrira plus aussi richement, mais crois-moi, je continuerai à oeuvrer pour toi, te te resterai fidèle et ne te chasserai pas de mon enclos.

Je ne manque pas de force pour affronter la grande souffrance, la souffrance héroïque, mon Dieu, je crains plutôt les mille petits souçis quotidiens qui vous assaillent parfois comme une vermine mordante. Enfin, je me gratte désespérément et je me dis chaque jour : encore une journée sans problèmes, les murs protecteurs d'une maison accueillante glissent autour de tes épaules comme un vêtement familier, longtemps porté; ton couvert est mis pour aujourd'hui et les draps blancs et les couvertures douillettes de ton lit t'attendent pour une nuit de plus, tu n'as donc aucune excuse à gaspiller le moindre atome d'énergie à ces petits souçis matériels.

Utilise à bon escient chaque minute de ce jour, fais-en une journée fructueuse, une forte pierre dans les fondations où s'appuieront les jours de misère et d'angoisse qui nous attendent. Derrière la maison, la pluie et la tempête des derniers jours ont ravagé le jasmin, ses fleurs blanches flottent éparpillées dans les flaques noires sur le toit plat du garage. Mais quelque part en moi ce jasmin continue à fleurir, aussi exubérant, aussi tendre que par le passé. Et il répand ses effluves autour de ta demeure, mon Dieu.

Tu vois comme je prends soin de toi. Je ne t'offre pas seulement mes larmes et mes tristes pressentiments, en ce dimanche de matin venteux et grisâtre je t'apporte même un jasmin odorant. Et je t'offrirai toutes les fleurs rencontrées sur mon chemin, et elles sont légion, crois-moi. Je veux te rendre ton séjour le plus agréable possible. Et pour prendre un exemple au hasard : enfermée dans une étroite cellule et voyant un nuage passer au-delà de mes barreaux, je t'apporterais ce nuage, mon Dieu, si du moins j'en avais la force. Je ne puis rien garantir d'avance mais les intentions sont les meilleures du monde, tu vois.

Maintenant je vais me consacrer à cette journée. Je vais me répandre parmi les hommes aujourd'hui et les rumeurs mauvaises, les menaces m'assailliront comme autant de soldats ennemis une forteresse imprenable.

Hillesum, Etty. Une vie bouleversée