samedi 28 janvier 2012

Aldous Huxley : La Paix

Avec l’amour et la joie, la Paix est l’un des fruits de l’Esprit. Mais elle en est aussi l’une des racines. En d’autres termes, la Paix est une condition nécessaire à la spiritualité  tout autant qu’elle en est l’inévitable résultat. Selon Saint Paul, c’est la paix qui maintient l’esprit dans la connaissance et l’amour de Dieu.
Il existe néanmoins une différence profonde entre la Paix en tant que racine de l’esprit et la paix en tant que fruit de l’esprit. La Paix en tant que racine est une chose que nous connaissons et comprenons tous, une chose que nous pouvons réalisé si nous faisons l’effort nécessaire. Faute d’y parvenir, nous ne ferons jamais de progrès sérieux dans la connaissance et dans l’amour de Dieu, nous n’aurons jamais qu’un vague aperçu de cet autre Paix qui est le fruit de la spiritualité. La Paix en tant que fruit est la Paix qui dépasse toute compréhension ; et si elle dépasse toute compréhension, c’est qu’elle est la Paix de Dieu. Seuls, ceux qui dans une certaine mesure, sont devenus pareil à Dieu peuvent espérer connaître cette Paix dans sa durable plénitude. C’est ainsi, inévitablement. Car dans le monde des réalités spirituelles, la connaissance est toujours une fonction de l’être ; la nature de ce dont nous avons l’expérience est déterminée par ce que nous sommes nous mêmes.

Aux premiers temps de la vie spirituelle, nous ne nous occupons que de Paix en tant que racine, des vertus morales qui en sont la source, des vices et des faiblesses qui entravent sa croissance. La Paix intérieure possède de nombreux ennemis. Sur la plan moral, on trouve d’un coté la colère, l’impatience et toutes les formes de violence, et de l’autre coté (car la Paix est essentiellement active et créatrice) toutes les formes d’inertie et de paresse. Sur le plan des sentiments, les ennemis principaux de la Paix sont le chagrin, l’anxiété, la peur et l’armée formidable des pensées négatives. Sur le plan de l’intellect, on rencontre les distractions stupides et le libertinage dû à la simple curiosité. Vaincre ses ennemis exige beaucoup de labeur et souvent de souffrance ; il faut mortifier constamment les tendances naturelles et les habitudes trop humaines. C’est pourquoi, dans ce monde qui est le notre, il y a si peu de Paix intérieure chez les individus et de Paix extérieure au sein des sociétés. Comme dit L’Imitation : « tous les hommes désirent la Paix mais bien peu désirent vraiment les choses qui la créent ».

 
Aldous Huxley : Dieu et moi, Essais sur la mystique, la religion et la spiritualité

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